« L’inscription dans la Constitution de la lutte contre le réchauffement climatique n’est qu’une façade  » Analyse du référendum climat par Guillaume Leroy

« L’inscription dans la Constitution de la lutte contre le réchauffement climatique n’est qu’une façade  » Analyse du référendum climat par Guillaume Leroy

Retrouvez en intégralité l'analyse de Guillaume Leroy, doctorant et membre du Cercle Droit & Liberté, sur le site internet de la Revue Politique et Parlementaire

Le 14 décembre dernier, Emmanuel Macron annonçait les résultats de la Convention Citoyenne sur le climat. Parmi ses propositions, dont une grande majorité a été retenue par le Gouvernement, on peut retrouver la suppression de certaines lignes aériennes intérieures ou encore l’interdiction de l’extension des zones commerciales périurbaines. Le Président de la République avait également annoncé que la proposition phare de la Convention Citoyenne sur le climat serait elle aussi retenue : l’organisation d’un référendum ayant pour objet de modifier l’article 1er de la Constitution afin « d’introduire la biodiversité, l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ». 

  1. Un objectif constitutionnel déjà atteint      

Le référendum qui sera donc présenté au peuple français n’a qu’une ambition affichée : inscrire les notions de « biodiversité, d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique » dans la Constitution. Si cette initiative est louable, elle peut néanmoins être considérée comme superflue, et ce à double titre. 

En effet, les membres de la Convention Citoyenne sur le Climat ne sont pas pionniers dans ce combat : déjà en 2019, un projet de réforme constitutionnelle dit “pour un renouveau de la vie démocratique” avait été présenté en Conseil des Ministres afin d’inscrire à l’article 1er de la Constitution que « La France favorise la préservation de l’environnement, la diversité biologique et l’action contre les changements climatiques »[1]. Néanmoins, la démission du gouvernement Philippe semble avoir eu raison de ce projet de loi constitutionnelle, qui n’a pour l’heure jamais été présenté à l’Assemblée Nationale. 

De plus, comme l'ont souligné de nombreux auteurs, la Charte de l’environnement de 2004 remplit déjà l’office de protecteur constitutionnel de l’environnement. Ce texte affirme notamment « que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation »[2] ou encore « que les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable »[3]. Cette charte a d’ailleurs été intégrée au bloc constitutionnel à la faveur de la révision constitutionnelle du 1err mars 2005[4].

Autrement dit, les principes de la Charte font partie intégrante de la Constitution de la Vème République. 

La présence de la Charte de l’environnement au sein du bloc de constitutionnalité lui offre une efficience juridique particulière : elle peut servir de norme de référence lors de tout contrôle de constitutionnalité. Ainsi, toute loi adoptée par le Parlement, si elle n’est pas conforme à la Charte, devra être abrogée par le Conseil Constitutionnel.

A titre d’exemple, la loi de finance 2010 a été une des premières lois censurées au visa d’une disposition de la Charte de l’environnement[5]. Plus récemment, le Conseil Constitutionnel a également choisi de faire primer les dispositions de la Charte sur la liberté d’entreprendre. En effet, dans une décision du 31 janvier 2020, la légalité d’une interdiction légale de production, de vente et d’exportation d’un pesticide a été validée par les sages de la rue Montpensier, au motif que « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle »[6].

Cet ajout superfétatoire n’est pas le seul élément critiquable de ce futur référendum. En effet, on peut remarquer que le texte même de l’amendement proposé au peuple créé une problématique quant à la responsabilité de l’Etat en matière environnementale.     

2. Le référendum climat : vers une responsabilité automatique de l’Etat en matière de préjudice écologique

C’est dans l’ambiance calfeutrée du Grand Amphithéâtre du Conseil Economique, Social et Environnemental, que Grégoire Fraty, véritable chef spirituel et figure de proue de cette convention citoyenne, présente le texte au Président de la République. Il soutient que le verbe « garantir » doit absolument être inclus dans cet article 1er. Quelques minutes plus tard, lorsque le Président de la République annonce que cette proposition sera retenue et qu’un référendum sera organisé, l’édile citoyenne demande au Chef de l’Etat de confirmer si le référendum porterait « sur les mêmes termes que ceux de la Convention Citoyenne, avec le terme « Garantir » ? ». Emmanuel Macron, imperturbable, répond par l’affirmative.

Pourquoi cette rigueur sémantique ? Le Conseil d’Etat s’est penché sur la question à l’occasion d’un avis rendu le 14 janvier dernier. Les juges du Palais-Royal craignent que ce projet de référendum impose « aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles que celles issues du devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement résultant de l’article 2 de la Charte de l’environnement »[7]. Difficile de faire plus clair.

Les masques tombent. Étant donné l’insistance avec laquelle Grégoire Fraty souhaitait l’utilisation du terme « garantir », on peut douter de la pureté des intentions des membres de la Convention Citoyenne sur le Climat. Rappelons que ces citoyens étaient conseillés par un Maître de Conférences en droit public et par un juge du Conseil d’Etat[8] : ils ne pouvaient donc ignorer la portée de la révision constitutionnelle qu’ils proposaient. Cette démarche a d’ailleurs été qualifiée de “politique” par la Ministre de la transition écologique, Barbara Pompili[9].

Au fond, il est possible d’estimer que l’inscription dans la Constitution des notions de biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique n’est qu’une façade.

Leur finalité serait tout autre : rendre l’Etat systématiquement responsable de toute une atteinte constatée à l’environnement.  Si la réforme constitutionnelle est proposée telle quelle par référendum, il semble désormais évident qu’elle n’aura aucune influence juridique dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, tous ses objectifs – affichés ou non – sont d’ores et déjà atteints. Si l’unique référendum proposé en quinze ans a pour vocation d’adopter un texte inutile, alors le gouvernement n’a pas pris la mesure de la crise démocratique – sans parler de la crise environnementale – qui s’installe progressivement dans la société française


[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2203_projet-loi#B2740588386

[2] https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/la-charte-de-l-environnement

[3] Idem

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000790249

[5] Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009

[6] Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020

[7] https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-un-projet-de-loi-constitutionnelle-completant-l-article-1er-de-la-constitution-et-relatif-a-la-preservation-de-l-environnement

[8] https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/groupe-appui/

[9] https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/convention-citoyenne-sur-le-climat/convention-citoyenne-pour-le-climat-une-partie-des-citoyens-sont-dans-une-demarche-politique-accuse-barbara-pompili_4316723.html

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