« Face à l’insécurité grandissante, il faut des solutions rapides et concrètes » – Entretien avec Maître Thibault de Montbrial

« Face à l’insécurité grandissante, il faut des solutions rapides et concrètes » – Entretien avec Maître Thibault de Montbrial

L'avocat Thibault de Montbrial nous a accordé un entretien à l'occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « Osons l’autorité » (Editions de l'Observatoire), dans lequel il propose un programme complet pour restaurer l’autorité en France.

Guillaume Leroy : Votre dernier ouvrage peut être perçu comme un cri du cœur pour un retour de l’autorité en France. Quel est votre constat sur la société française ?

J’ai un triple regard car je défends les forces de l’ordre dans les tribunaux depuis 25 ans et j’ai fondé le Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure qui me permet d’avoir une expertise sur les questions de sécurité, sans oublier mon avis de citoyen. Ce triple point de vue m’a permis de remarquer qu’en France tous les piliers de l’autorité se sont écroulés : les forces de l’ordre sont agressées tous les jours et c’est maintenant au tour des élus de faire face à la violence. L’assassinat de Samuel Paty a aussi mis en lumière les problématiques cultuelles et culturelles posées jusqu’au sein de l’école de la République, par l’évolution de la composition de notre population depuis 30 ans, auxquelles s’ajoutent, la perte des figures d’autorité, la destruction de nos repères intellectuels, le tout dans un contexte d’affaissement du niveau scolaire général. 

Guillaume Leroy : Dans votre livre, vous faites une distinction entre autorité, que vous souhaitez, et autoritarisme, que vous abhorrez. Quelle distinction peut-on faire entre ces deux termes ? 

Le risque majeur dans cette période d’incertitude est de surréagir. Il faut sauver la France, grâce un à projet commun pour l’ensemble de nos citoyens, qui se baserait sur deux grands piliers : la restauration de l’autorité républicaine indispensable pour éviter l’effondrement, et l’affirmation de notre identité profonde.

«Il faut en effet rappeler qui nous sommes, sans arrogance, ni honte : un pays aux racines gréco-latines et de traditions judéo-chrétiennes.»

Il faut en effet rappeler qui nous sommes, sans arrogance, ni honte : un pays aux racines gréco-latines et de traditions judéo-chrétiennes, construit autour de quatre grandes valeurs : l’égalité homme-femme (même si des progrès restent à faire), la liberté de conscience (liberté de croire, de ne pas croire, de changer de croyance…), droit d’aimer qui l’on veut, sans considération de sexe, et une forme de bienveillance politique. Pour résumer, il faut recréer de la transcendance pour reconstruire un véritable « vivre ensemble », alors que cette notion est aujourd’hui devenue une incantation vide de sens, invoquée par une petite élite déconnectée, qui à titre personnel emploie de gros efforts pour ne pas se l’appliquer.

Guillaume Leroy : Dans votre premier chapitre, vous dressez une chronologie de la violence dans les manifestations en partant de la doctrine Oussekine jusqu’à nos jours. Quel constat faites-vous aujourd’hui sur ce sujet ? 

Toute la doctrine de maintien de l’ordre dans les manifestations est guidée par le drame de la mort de Malik Oussekine en 1986. Ce traumatisme légitime a toutefois abouti au recul systématique des gouvernements successifs dès lors qu’une manifestation devenait vigoureuse (Loi CPE de 2006, Loi El Khomri de 2016, Augmentation des prix du Gazole en 2018).

«L’apogée de cette doctrine d’inertie des forces de l’ordre se situe lors de la manifestation du 1er décembre 2018, pendant laquelle l’Arc de Triomphe a été abandonné à la vindicte des militants d’extrême gauche.»

L’apogée de cette doctrine d’inertie des forces de l’ordre se situe lors de la manifestation du 1er décembre 2018, pendant laquelle l’Arc de Triomphe a été abandonné à la vindicte des militants d’extrême gauche.
Mais cet événement marque aussi un changement de doctrine, avec une volonté d’adapter la riposte des forces de l’ordre face aux violences commises par ceux qui débordent les manifestations. Il n’y a d’ailleurs pas que dans les manifestations politiques que l’on observe une violence désinhibée contre les forces de l’ordre : la Rave Party du nouvel an, près de Rennes, en est le parfait exemple puisque les premiers gendarmes arrivés sur le site ont aussitôt été molestés et leur véhicule incendié.   

Guillaume Leroy : On voit se développer un début sur le terme de « violences policières », qu’en pensez-vous ? 

Je réfute absolument ce terme car il s’agit d’un contresens, puisque les forces de l’ordre ont le monopole de la violence légitime. La problématique est en réalité celle de la violence policière illégitime. Mais cette précision sémantique cruciale est rarement apportée par les média car si l’adjectif « illégitime » est ajouté, c’est admettre qu’il existe des violences policières légitimes. Or, ce qui est pourtant une réalité juridique est insupportable à ceux qui instrumentalisent la notion. Ces derniers se retiennent bien de montrer ce que les forces de l’ordre subissent et empêchent tous les jours, en adéquation avec le droit.

Guillaume Leroy : Vous faites de l’islamisme radical, le principal ennemi de la France. Or, vous dressez un constat inquiétant : 65 détenus condamnés pour des faits liés au terrorisme vont être libérés. 

Tout d’abord, deux points importants, de nouveau sur la sémantique : Il n’y a pas besoin d’ajouter l’adjectif « radical » à islamisme car celui-ci est radical par nature. Il s’agit de l’Islam politique.
De plus, vous abordez les notions de l’islamisme et de terrorisme dans la même question. Il faut bien comprendre que le terrorisme est un mode d’action politique au service d’une idéologie : c’est le choix de la violence plutôt que la démocratie, au nom d’un objectif qui dans le cas du terrorisme islamiste, est la conquête de l’islam politique. Mais il existe également des modes opératoires non violents qui concourent au même objectif. Ainsi, certaines associations ne prônent pas directement la violence mais œuvrent grâce à une parfaite connaissance de notre système démocratique pour pouvoir imposer, à terme, un islam politique. Certaines ont d’ailleurs refusé de signer la charte des valeurs de l’Islam proposé par Emmanuel Macron. Les masques tombent : ces associations refusent ouvertement de partager nos valeurs. Cela dit, il est également permis de douter de la sincérité de certains autres signataires, notamment ceux qui s’inscrivent dans la mouvance des Frères musulmans. 

Pour en revenir à la libération des détenus, elle pose un défi considérable à l’Etat : Entre 2018 et 2022 : 250 détenus pour faits de terrorisme ont été ou seront libérés, sans compter les 8000 individus libres fichés pour présenter un risque terroriste. Les 250 individus en cours de libération, sont pour la plupart des combattants expérimentés qui se sont rendus sur des théâtres d’opérations. Pour reprendre l’expression d’un responsable aguerri du renseignement, ils ont « le gout du sang dans la bouche » et jouissent de ce fait d’une expérience mais aussi d’un prestige considérable auprès d’une partie islamisée de notre population. Je crains que la combinaison de leur renommée et de leur expérience puisse conduire à la constitution de groupes pouvant agir sur le territoire français, à moyen terme. 

«Un des responsables opérationnels du renseignement militaire estime que les années 2020 risquent de marquer le passage du terrorisme à la guérilla (attaques régulières de moyenne intensité contre les forces de l’ordre).»

A ce titre, un des responsables opérationnels du renseignement militaire estime que les années 2020 risquent de marquer le passage du terrorisme à la guérilla (attaques régulières de moyenne intensité contre les forces de l’ordre). Il faudrait être capable de surveiller ces individus mais l’Etat n’a pas les moyens humains et matériels de le faire de façon exhaustive. 

Malgré les progrès réalisés depuis cinq ans, il faut aller plus loin : On a construit des digues mais la vague est trop haute. Je prône un changement total de perspective budgétaire. L’état doit recentrer son action au profit du régalien et déléguer à d’autres acteurs, par exemple les fondations privées, un certain nombre d’autres tâches.  Aujourd’hui, 60% du PIB est consacré au social contre environ 3% au régalien. Si cela avait marché, ça se saurait. Or, nous sommes au bord de la catastrophe.  

Guillaume Leroy : Depuis un mois, le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fermé neuf mosquées et a dissout deux associations, dont le CCIF. Saluez-vous ces décisions ou trouvez-vous au contraire que ces choix sont faits pour éviter de traiter les vraies problématiques ? 

Il faut faire une distinction entre la politique de sécurité mise en place par Christophe Castaner et celle de Gérald Darmanin. L’ancien Ministre de l’Intérieur vient d’un sérail où l’on est peu sensibilisé aux problématiques sécuritaires, ce qui n’est pas le cas de Gérald Darmanin. Ces décisions vont dans le bon sens mais j’appelle à aller plus loin : il faut aussi dissoudre l’association « Musulmans de France », branche française des Frères Musulmans. Je tiens aussi à saluer le travail sur la loi contre le séparatisme : C’est un texte sans précédent. La patronne du renseignement territorial a ainsi expliqué devant l’assemblée nationale comment ce texte allait accroître les capacités de surveillance, et le cas échéant de répression, des associations cultuelles. Je souhaite et j’espère que ces mesures seront étendues aux associations culturelles et sportives.

«Il va vite falloir prendre à bras le corps la problématique migratoire, dont j’explique dans mon livre combien elle constitue un dénominateur commun aux maux qui frappent notre pays.»

J’appelle solennellement à ce que les députés LREM votent ce texte, car il correspond à la réalité du terrain et va dans le sens de ce que veut le peuple : j’ai la conviction que 70% des électeurs l’adopterait. La sécurité est un sujet où le « en même temps » n’est plus envisageable.
J’appelle aussi les députés de LR à voter ce texte : on ne saurait en effet arguer de ce qu’il n’est pas parfait pour se dérober. S’il est vrai qu’il me parait indispensable d’aller beaucoup plus loin que ce que prévoit cette loi, elle présente en toute hypothèse l’immense mérite d’être un premier vrai pas dans la bonne direction. La France va très mal, il faut prendre ses responsabilités. A propos de responsabilité, il va vite falloir prendre à bras le corps la problématique migratoire, dont j’explique dans mon livre combien elle constitue un dénominateur commun aux maux qui frappent notre pays. 

Guillaume Leroy : Que faire lorsque la CEDH accepte la possibilité de créer un délit de blasphème, comme dans son arrêt du 25 octobre 2018, que vous citez dans votre livre ?

C’est un arrêt regrettable. Il faut garder le cap et se souvenir que le droit n’est pas neutre. C’est un outil, une arme. Nos institutions doivent prendre en compte le fait que nos adversaires utilisent notre droit contre nous. C’est ce que j’appelle le « Judo des valeurs », c’est-à-dire l’utilisation de la force de l’adversaire pour le faire chuter.

«Les droits fondamentaux que constituent les libertés d’expression, de conscience et de religion sont utilisés aujourd’hui par nos ennemis pour, à terme, entraver nos libertés.»

En l’espèce, les droits fondamentaux que constituent les libertés d’expression, de conscience et de religion sont utilisés aujourd’hui par nos ennemis pour, à terme, entraver nos libertés. On ne peut pas traiter les revendications d’individus qui veulent détruire notre démocratie comme s’il s’agissait d’une querelle au sein d’une amicale de boulistes. 

Guillaume Leroy : Dans votre ouvrage, vous soutenez les politiques de sécurité intérieure des Ministres Valls et Cazeneuve, qui ont transposé dans le droit commun une partie des mesures de l’état d’urgence sécuritaire. Faut-il nécessairement sacrifier sa liberté pour obtenir la sécurité ?

Je récuse totalement cette opposition entre liberté et sécurité. Il n’y a pas de liberté si nous ne sommes pas en sécurité pour l’exercer. La sécurité est le préalable de nos libertés, le socle de leur expression. 

Guillaume Leroy : Si vous étiez Ministre de l’Intérieur, quelles seraient vos trois premières mesures ?

(Rires) Pour que je sois Ministre de l’intérieur, il faudrait au préalable un cap fixé sans ambiguïté, et une totale convergence avec le garde des Sceaux pour optimiser une coopération sans faille. En effet, la sécurité de nos concitoyens résulte de la symbiose entre la police et la justice, qui ne sont rien d’autres que les maillons d’une même chaîne. 

Depuis juillet dernier par exemple, les positions respectives du Ministre Gérald Darmanin et du Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti me paraissent plus relever d’une énième manifestation du « et en même temps ». Or comme je l’ai expliqué, les violences, fractures et tensions qui minent notre pays ne pourront pas se régler sans un tournant résolu et totalement assumé vers le rétablissement de l’autorité républicaine, y compris dans le domaine de l’immigration. Sans vouloir dramatiser, il en va désormais de la survie de notre nation. 

Merci Maître de Montbrial pour cet entretien

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