Projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique » : les libertés bientôt réduites comme peau de chagrin

Projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique » : les libertés bientôt réduites comme peau de chagrin

Face à l’émergence du variant Omicron, l’exécutif a décidé une fois de plus de serrer la vis. S’inspirant de l’Allemagne et de l’Autriche, le Gouvernement a donc annoncé de nouvelles restrictions pour lutter contre cette cinquième vague1

Le 22 décembre dernier, le Gouvernement a ainsi transmis pour avis un projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique » au Conseil d’Etat avant de le présenter en Conseil des ministres ce lundi 27 décembre.

Pour l’exécutif, il ne s’agit que de renforcer les outils de gestion de la crise sanitaire sans « recourir à des mesures de restriction généralisées ». Mais qu’en est-il réellement ? Ce projet de loi va-t-il mettre à mal nos libertés et les réduire comme peau de chagrin ? 

Voici les points phares de ce nouveau texte, à la lumière de l’avis rendu public du Conseil d’Etat.

L’exigence d’un passe vaccinal pour l’accès à la vie en société

Exit le passe sanitaire, bonjour le passe vaccinal. Le nouveau projet de loi conditionne l’accès aux « transports interrégionaux, activités de loisirs, restaurants et débits de boisson, aux foires, séminaires et salons professionnels » à la démonstration d’un passe vaccinal. Pire, le Gouvernement se réserve la possibilité d’exiger un « cumul de justificatifs » (test négatif et vaccination) lorsque « l’intérêt de la santé publique et l’état de la situation sanitaire » le justifient. 

Ce passe vaccinal devrait prendre effet à compter du 15 janvier 2022 et sera requis pour les lieux de vie sociale des plus élémentaires. Le nouveau mot d’ordre ? La vaccination, quoiqu’il en coûte. 

Avec ce nouveau texte, les personnes non-vaccinées ou ne présentant pas un schéma vaccinal complet, ne pourront plus accéder à ces lieux de vie, nonobstant un test de dépistage négatif. Ce seront donc 6 millions de Français aujourd’hui et demain ceux qui ne seront plus à jour de leur abonnement vaccinal qui seront privés d’une partie de leurs droits.

Dans son avis rendu public2, le Conseil d’Etat suggère d’insérer expressément dans le texte, une disposition ouvrant le passe vaccinal aux personnes justifiant d’un certificat de rétablissement. 

Par ailleurs, et contre toute attente, le Conseil d’Etat ne s’oppose pas à la vaccination, et donc au passe vaccinal, pour endiguer cette cinquième vague. Ce dernier avait pourtant légitimé l’utilisation du passe sanitaire le 20 juillet dernier, en affirmant que celui-ci ne "contraignait pas les individus à la vaccination”3.

S’agissant plus particulièrement des transports de longue distance interrégionaux, le Conseil d’Etat considère que les personnes non-vaccinées doivent pouvoir y accéder en présentant un test de dépistage négatif pour les déplacements impérieux4.

Alors même que les dernières études semblent démontrer que le variant Omicron est moins dangereux que le variant Delta et que la vaccination n’empêche pas la transmission, l’exécutif décide pourtant d’aller encore plus loin dans le tout vaccinal. La vaccination, sinon rien !

Par ailleurs, ce passe vaccinal induit un schéma vaccinal complet. Pour l’heure, il s’agit de l’administration de trois doses. Mais qu’en sera-t-il lorsque le Gouvernement imposera une quatrième, cinquième, sixième dose ? Rappelons par ailleurs qu’une dose de rappel tous les trois mois impliquerait que 700 000 piqûres soient administrées chaque jour aux Français. Un chiffre irréalisable en pratique.

La nécessité d’un passe vaccinal pour certains professionnels

Le projet de loi prévoit la nécessité d’un passe vaccinal pour certains professionnels lorsque “la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie”. Ils devront donc détenir un certificat de vaccination, un certificat de rétablissement ou un certificat de contre-indication. 

Dans son avis, le Conseil d’Etat considère que la mesure est strictement encadrée et poursuit un objectif de santé publique. Les  professionnels particulièrement exposés au virus doivent être soumis au passe vaccinal. Il affirme ainsi que cette obligation ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles et conventionnelles.

La présentation d’un test de dépistage négatif pour l’accès aux établissements de santé

Le projet de loi maintient en revanche la présentation d’un test négatif pour l’accès aux établissements et services de santé et médico-sociaux. Le passe sanitaire suffit et se substitue au passe vaccinal.

La vérification de l’identité du porteur du passe en cas de « soupçon de fraude » à la loi

A ce jour, et conformément aux dispositions de la loi du 5 août 2021, seuls certains agents des forces de l’ordre (officier de police judiciaire ou agents de police judiciaire placés sous son autorité) peuvent exiger la présentation de documents officiels. Mais tout ceci pourrait bientôt changer avec ce nouveau projet de loi. 

Si le Parlement valide en l’état ce nouveau texte, les personnes chargées de contrôler la détention du passe, pourront vérifier l’identité du porteur du passe en cas de « soupçon de fraude ». Le détenteur du passe devra alors présenter sa carte d’identité en plus de son passe. Autrement dit, les restaurateurs, le personnel des salles de sport, les salariés accueillant du public pourront vérifier la conformité du passe vaccinal avec un document officiel (passeport, permis de conduire, carte nationale d’identité). Cette nouvelle délégation de pouvoir soulève de nombreuses difficultés juridiques à venir.

Plus qu’une simple vérification, il s’agit en réalité d’un contrôle d’identité qui ne dit pas son nom. Cette nouvelle disposition, aux critères flous et imprécis, risque d’entraîner une méfiance, une suspicion envers autrui et un contrôle social généralisé de la population française. 

En outre, cette disposition va à l’encontre de la décision du Conseil constitutionnel qui avait considéré les contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires comme attentatoires aux libertés individuelles (Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993). Il y a fort à parier que celle-ci soit déclarée prochainement inconstitutionnelle.

Dans son avis, le Conseil d’Etat estime que la vérification par les professionnels de l’identité des clients soumis au passe vaccinal est nécessaire pour lutter contre le recours aux documents frauduleux et pour garantir l’objectif de santé publique. Encore une fois, la protection de la santé semble pulvériser toutes les libertés, y compris le droit au respect à sa vie privée. 

Le durcissement des sanctions pour les fraudeurs

Le Gouvernement compte durcir les sanctions pour les fraudeurs. L’utilisation du passe sanitaire d’autrui sera passible d’une amende de 1000 euros contre cinq années d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour l’utilisation d’un faux passe sanitaire. 

Dans son avis, le Conseil d’Etat considère que cette nouvelle répression est proportionnée au regard de la gravité de l’infraction commise.  

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Ces nouvelles dispositions s’appliqueront donc à moins que le Parlement se réveille enfin et refuse de les voter ou encore que  le Conseil constitutionnel se décide à jouer son rôle de garde-fou et vienne les censurer.

Maïa-Ané Joubert
Elève-avocat et chargée de mission pour le Cercle Droit et Liberté

  1. Projet de loi nº 4857 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
  2. https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-un-projet-de-loi-renforcant-les-outils-de-gestion-de-la-crise-sanitaire-et-modifiant-le-code-de-la-sante-publique
  3. Avis sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, 20 juillet 2021
  4. Dans l’esprit du texte, seules les nécessités médicales ou familiales justifient un besoin impérieux.

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