Le Conseil d’État, statuant au fond, rejette les recours du Cercle Droit & Liberté contre le passe sanitaire et la fin du remboursement des tests par deux décisions du 30 décembre 2022 

Le Conseil d’État, statuant au fond, rejette les recours du Cercle Droit & Liberté contre le passe sanitaire et la fin du remboursement des tests par deux décisions du 30 décembre 2022 

Dans deux décisions rendues le 30 décembre 2022, le Conseil d’État a validé le « passe sanitaire » ainsi que l’obligation vaccinale des personnels soignants et militaires contre la Covid-19. Ce faisant, il a rejeté en bloc l’intégralité de nos recours au fond. 

Pour rappel, nous avions déposé, par l'intermédiaire de notre avocat Philippe Prigent, deux recours en référé-suspension, le 21 juillet contre l’extension du champ d’application du « passe sanitaire », et le 21 octobre 2021 contre la fin de la prise en charge par l’assurance maladie des tests de dépistage pour les personnes non-vaccinées (L.521-1 du code de justice administrative). La demande en référé-suspension ne pouvait être accueillie que si les 3 conditions suivantes étaient cumulativement respectées : 

  • Avoir déposé au préalable une requête en annulation ou modification de la décision faisant l’objet d’une demande de suspension. 
  • Justifier de l'urgence qu'il y a à suspendre l'exécution de la décision 
  • Démontrer qu'il y a de sérieuses raisons de penser que la décision est illégale

Bien que nos requêtes en référé aient été rejetées, nous avions décidé de maintenir nos recours au fond, afin d’imposer au juge du Conseil d’Etat de statuer sur la substance du dossier. Ces derniers ont pourtant à leurs tours été rejetés le 30 décembre 2022 par le Conseil d’État qui s’est appuyé sur les mêmes fondements qui avaient permis l’invalidation de nos référés

Les arguments du CE

L'argumentation du juge administratif  pour rejeter les moyens de la requête du 21 juillet 2021 au fond repose principalement sur deux arguments : la gravité de la situation sanitaire ainsi que l’état des connaissances médicales et scientifiques disponibles. En effet, le Conseil d’État justifie en effet sa politique juridictionnelle en matière sanitaire au moyen du : « très large consensus scientifique sur la gravité de la situation ». 

Il poursuit en soulignant à trois reprises les « connaissances disponibles » ; « l'évolution des connaissances médicales et scientifiques » ainsi que « l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques » afin de justifier successivement trois mesures phares de la loi du 5 août 2021 qu’étaient : 

  • Les différents schémas vaccinaux considérés comme « complets » : 
  1. Pour le vaccin " COVID-19 Vaccine Janssen ", 28 jours après l'administration d'une dose
  2. Pour les autres vaccins, 7 jours après l'administration d'une deuxième dose, sauf après une infection à la covid-19, pour lesquels le délai court après l'administration d'une dose 
  • L’interdiction d'appréciation individuelle de chaque médecin des contre-indications médicales 
  • La délimitation des catégories de personnes visées par l’obligation vaccinale ou la présentation d’un « passe sanitaire ».

Enfin, dans la décision relative à la requête du 21 octobre 2021, le Conseil d’État considère que la fin de la prise en charge des tests de dépistage ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 4211-2 du code du travail qui prévoit que  « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs ».  

Le Conseil d’État relève laconiquement que l'obligation pour certains salariés de présenter un  « passe sanitaire » pour exercer leur activité, ne constituait pas une mesure prise en matière de santé et de sécurité au travail au sens de ces dispositions (et ce malgré l’important surcoût représenté par l’obligation de se faire tester quasiment tous les jours). 

Ce faisant, il valide la fin à la prise en charge par l'assurance maladie des tests de dépistage de la covid-19 pour les personnes non vaccinées. 

Que retenir de ces décisions ?

Depuis un an, de nombreuses déclarations divergentes d’autorités scientifiques ou juridiques ayant directement ou indirectement concouru à l’élaboration des décisions en matière sanitaire ont été exprimées publiquement. Ces avancées dans le débat scientifique, couplées à la fin de l’hystérie médiatico-politique sur le sujet Covid19, auraient pu faire espérer un mea culpa du Conseil d’Etat.

Á cet égard, nous pouvons par exemple mentionner les propos de l’ancien président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy qui, au cours d’une interview publiée le 29 juin 2022 sur la chaîne YouTube « Les Contrepoints de la Santé », a déclaré que la politique du « zéro covid » était « un échec total, en terme de mortalité, de morbidité, d’accès aux droits humains » et : « que vivre avec les variants [ …] était une solution réaliste dans nos pays européens, dans ce compromis entre démocratie et enjeux sanitaires ».

Des propos invitant à la réflexion ont également pu être relevés le 2 décembre 2022 lors d’un second colloque au Conseil d’État de la Société de législation comparée intitulé : L’État de droit a-t-il résisté lors de la crise sanitaire du Covid-19 ? À cette occasion, Bernard Stirn ancien président de la section du contentieux du Conseil d'État, a énoncé à propos du vaccin que : « sans faire disparaître les contaminations » il « en conjure au moins les effets les plus graves1 ». Or la lutte contre la contamination constituait le cœur des dispositifs d’obligation vaccinale et du « passe sanitaire ».

La crise du Covid a ainsi modifié durablement nos mentalités et notre rapport aux libertés. Ce qui paraissait inacceptable il y a 12 mois est malheureusement désormais rentré dans les mœurs comme en ont attesté les déclarations de Charles Touboul maître des requêtes au Conseil d’État ayant suivi de très près les nombreux référés-libertés déposés au cours de l’état d’urgence sanitaire : « ce qui était presque obscène à un moment de la crise sanitaire […] est devenu très banal2. »

Ainsi, même à froid et avec 4 mois de recul après la fin de l’état d’urgence sanitaire, il est regrettable de constater que le Conseil d’État n’a pas souhaité faire son mea culpa et a préféré maintenir une position plus politique que juridique… 

Saura-t-on un jour retrouver le goût de nos libertés ? Nul ne le sait mais il apparaît clairement que nous ne pourrons pas compter sur le juge du Palais-Royal dans cette entreprise. 

1. Colloque “L’Etat de droit et la crise sanitaire” 2 décembre 2022  https://www.youtube.com/watch?v=y4nNLHgn_Io (voir à 19:55 mn)

2. Colloque “L’Etat de droit et la crise sanitaire” 2 décembre 2022  https://www.youtube.com/watch?v=y4nNLHgn_Io (voir à 2:49:30 mn)

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