« Nous sommes en Guerre » – La France dans la crise sanitaire

« Nous sommes en Guerre » – La France dans la crise sanitaire

Par Paul-Antoine Moracchini

C’est par ces mots que, le 16 mars 2020, au cours d’une allocution télévisée comme rarement solennelle, Emmanuel Macron  sonnait la « mobilisation générale » contre un « ennemi invisible ».

Déjà, dans ses voeux à la presse du 3 janvier 2018, le président français, se voyant chef de bataille, reprenait le vocabulaire martial, appelant à « défendre pleinement l’effectivité de toutes les libertés de nos démocraties » par antagonisme à une certaine « tentation des démocraties illibérales ». Reste alors à définir ce que constitue l’effectivité de toutes les libertés, si chère à son coeur.

Et, près de deux ans et demi après le début de cette crise, alors que l’état d’urgence sanitaire a pris fin le 31 juillet de cette année 2022, il est l’heure d’un premier bilan. Celui-ci est lourd, particulièrement pour les libertés publiques, nos libertés.

La mise en place de l’état d’urgence sanitaire

Depuis l’arrêt Baldy du 10 août 1917, le Conseil d’Etat était venu fixer le principe suivant : « la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ».

Si l’état d’urgence sécuritaire faisant suite aux attentats islamistes de 2015 nous avait déjà grandement fait changer de paradigme, la mise en place de l’état d’urgence sanitaire, le 23 mars 2020, alors continuellement prorogé, aura parachevé ce travail d’anéantissement progressif de nos libertés publiques. En temps de Covid-19, la restriction se devait de devenir la norme.

En effet, c’est au nom de ce régime d’exception que plusieurs libertés furent violées par le gouvernement : la liberté de réunion et celle de circulation par les confinements, couvre-feu et autres attestations individuelles de sortie de son domicile, les libertés individuelles tout comme les libertés médicales par le passe sanitaire puis vaccinal, la liberté du commerce et de l’industrie, les libertés culturelles et cultuelles par les fermetures et autres jauges. Même le droit au procès équitable ne put en réchapper.

Rien de tel n’avait pu être observé depuis la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire depuis l’époque de l’occupation allemande et du régime de Vichy, pas même lors des événements d’Algérie. La « tentation des démocraties illibérales », peut-être ?

Des mesures exceptionnelles prises unilatéralement

            Les attestations de sortie signées pour soi-même, les vérifications de caddies en sortie de supermarché, les couvre-feu, les verbalisations de badauds sur des plages vides avaient placé la barre de l’absurde assez haut. Pourtant, rien n’aura été aussi frappant que l’impuissance des pouvoirs législatifs et judiciaires, confrontés à un exécutif devenu pantagruélique.

La représentation nationale, tout d’abord, a été remarquée par son absence. Absence, ou plutôt impuissance. Si le Sénat, par divers amendements et projets de lois, et par la pertinence de certains de ses débats et commissions d’enquête, savait parfois se montrer incisif, l’Assemblée Nationale clôturait à chaque fois le moindre débat, l’opposition n’y ayant — dans les faits — qu’un droit de tribune.

Devant un Olivier Veran, alors ministre de la Santé, souvent provocateur voire arrogant, la majorité absolue du parti présidentiel n’avait alors qu’à se contenter de faire bloc, inlassablement, malgré quelques courageuses mais rares voix dissonantes en son sein.

Les hautes juridictions, ensuite, ont quant à elles brillé par leur frilosité. Saisi, le Conseil d’Etat a commencé par écarter toute carence de l’Etat en évoquant « la stratégie de gestion maîtrisée » mise en place par le gouvernement afin de contrer la pandémie, se faisant par là même bouclier de l’action gouvernementale, allant jusqu’à refuser de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité pourtant évidentes.

Le Conseil constitutionnel, plus haute juridiction française, n’aura, pour sa part, jamais aussi mal porté son titre de « gardien des libertés ». Celui-ci a commencé par censurer les mesures de quarantaine ou d’isolement eu égard au nécessaire respect de la stricte proportion quant aux risques sanitaires encourus et aux délais fixés. Il a sommé l’exécutif « d’assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ». Finalement, le Conseil des « Sages » s’est très vite couché devant les verrous posés par les assemblées parlementaires, se bornant une nouvelle fois à ne pas examiner et statuer sur les griefs les plus embarrassants…

Ainsi, durant cette crise du « virus apéro », pas le moindre ersatz de contre-pouvoir ne se sera fait sentir, à aucun moment, tant du côté législatif que judiciaire, poussant même les hauts dignitaires de l’ONU à s’en émouvoir. Le gouvernement n’aura jamais connu la houle, n’ayant jamais eu à rendre le moindre compte malgré ses contradictions, ses incohérences, parfois anodines, souvent grossières. Peut-on, dès lors, parler de simulacre de démocratie ?

A quoi peut-on s’attendre pour le futur ?

            Les violations de libertés, réitérées tout du long de l’épisode COVID-19, semblent désormais s’être fondues dans le paysage français. Si, au zénith de la crise, toute protestation était diabolisée voire moquée, la rendant de fait inaudible, nul doute que l’enchaînement successif de crises — telles l’inflation, l’Ukraine ou les pénuries d’énergie à prévoir pour cet hiver — masquera toute tentative de faire la lumière sur ces deux années très éprouvantes pour les libertés publiques, mais aussi pour les citoyens.

Et s’il est difficile de pouvoir prétendre prédire l’avenir, la crise de l’énergie a de quoi inquiéter. Des restrictions ont déjà été annoncées, suivant la formule désormais bien connue du gouvernement : l’on commence par écarter, presque moqueur, puis l’on envisage, enfin, que les restrictions se voient appliquées. Doit-on s’attendre à des coupures aussi arbitraires et brutales que l’ont été les mesures de l’ère covidienne ?

Mais plus qu’un passe énergétique, ne devrait-on pas plutôt craindre un « passe climatique », comme encore appelé de leurs voeux par les militants de l’association WWF ?

Il suffirait alors, pour nos gouvernants, de s’en remettre aux rapports catastrophistes du GIEC, proposant — entre autres choses — des couvre-feu thermiques, l’interdiction des voitures autres qu’électriques, l’interdiction de tout vol aérien non justifié, la division par un gros facteur (3 étant expressément suggéré) du streaming et des données en général, la limitation à 1 kg de vêtements neufs mis sur le marché par an et par personne (contre 40 kg actuellement en moyenne), la limitation de la consommation de viande, des quotas sur nombre de biens importés (tels que le chocolat ou le café, notamment)… Cela laisse déjà perplexe.

Retrouvez cet article original dans la dernier numéro de la revue "Liberté Politique"

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